Paru dans EGO#53 : L’anatole de Timothée Borne
L’anatole de Timothée Borne. Un portrait paru dans le dernier numéro du magazine Egolarevue #53, rubrique Figure, signé Nancy Furer.
Une saga familiale, ça résonne ! Celle des studios Anatole déroule une partition écrite à quatre mains par Jean-Michel et Timothée Borne, le père et son fils. Tous deux musiciens, compétiteurs, entrepreneurs, passionnés de challenges musicaux et de notes harmonieuses.
Quand Timothée Borne pointe son nez et enchaîne ses premiers pas, son père Jean-Michel a déjà joué la première partie des Rolling Stones au parc de Gerland en 1982, avec son power trio Les Redoutables, signé une apparition télé dans Taratata et conceptualisé le studio Anatole, officiellement porté sur les fonts baptismaux en 1995.
De ce nom en écho à ce que les musiciens considèrent comme un enchaînement d’accords dans une tonalité majeure naît à Lyon une entreprise référente dans les métiers du son. Anatole compose des musiques pour les producteurs, les publicitaires, les entreprises puis se développe dans l’enregistrement de voix avant de se lancer dans le doublage de jeux vidéo pour répondre à l’implantation de sociétés comme Infogrammes-Atari ou Electronic Arts en terres lyonnaises.
Mais à partir de 2006, le ciel s’assombrit. Jean-Michel, malade, se bat comme le champion de vélo qu’il est aussi et laisse les rênes à sa femme Florence, secondée par son fils. Très rapidement, celui-ci comprend que le doublage est la clé du développement et se démène pour garder la tête hors de l’eau. « J’ai eu la chance de récupérer une boîte qui ne marchait pas, dit-il avec un certain recul. Cela a simplifié la passation père-fils et minimisé la pression qui pesait sur mes épaules ».
Tim, comme l’appellent ses amis, est un pragmatique capable d’accumuler les heures de travail et de faire feu de tout bois ; il se mue en chef d’orchestre bouillonnant : podcast, voix, sons pour la pub, livres audio, postproduction sonore… rien ne lui échappe. Cet harmonieux ramdam remonte aux oreilles d’un grand studio parisien qui le consulte pour le doublage de séries et de films : « Par tradition, 100 % du doublage était réalisé à Paris, mais avec le volume développé par les plateformes comme Netflix, Disney ou Amazone Prime, un marché gigantesque s’est ouvert ; d’autant que nous disposons à Lyon d’un important vivier de comédiens. Petit à petit, nous avons prouvé que nous étions capables de répondre à la demande de manière qualitative et rapide, depuis une ville de province agréable à vivre et bien connectée par avion ou le TGV ».
Tout juste âgé de 30 printemps et aux côtés de son ami de longue date, Vincent Veyrié, devenu son associé, Tim enfile alors son costume de VRP pour aller vendre son concept de firme broadcast répondant aux normes de sécurité et de capacité exigées par ces géants de l’entertainment obsédés par le risque de diffusions clandestines d’un épisode de Game of Throne ou de tout autre serial blockbuster.
Il réunit les 3,3 millions d’euros nécessaires à la construction de nouveaux studios et trouve le local adéquat dans le 9e arrondissement. Inauguré début avril, celui-ci dispose de 7 salles d’enregistrement qui viennent s’ajouter aux 6 toujours actives sur le quai Saint-Vincent des origines et aux 6 autres issues du rachat de l’entreprise Miroslav Pilon, bien connue des amoureux de Kaamelott car dirigée par Franck Pitiot, alias Perceval. Tim croit dur comme fer en sa réussite et vise l’équilibre dès 2024 grâce à un chiffre d’affaires de 3,5 millions d’euros.
« Des coups, nous en prendrons sûrement, dit-il, mais je me considère comme un chanceux qui vit une aventure passionnante en équipe. Nous sommes 40 aujourd’hui répartis sur les 3 sites et faisons appel à plus de 200 intermittents du spectacle tous les mois, ce n’est pas un détail. Le challenge pour moi est que ces collaborateurs se sentent bien chez nous, s’épanouissent dans leur vie pro et perso. Après, le rêve ultime serait de remettre la musique au centre de tout ça : du bon rock, de la folk, des groupes sympas enregistrés dans nos studios… ».
Ce nouvel entrepreneur est aussi en phase avec les préoccupations de son époque : trouver un sens profond à son travail, limiter son impact carbone, instaurer la semaine de 4 jours. Il parle de reverser 25 % de ses futurs bénéfices à des associations, de partager la richesse avec ses collaborateurs, de ne pas viser toujours plus de rémunération pour lui-même. Bref, de construire une entreprise forte. Et sobre.
Figure signée Nancy Furer, à retrouver dans Ego la revue n°53.
Photos DMKM, Didier Michalet & Karen Firdmann